Retour
Une journée aux Archives de Foix : l'après-midi
 


Lucien BONNEL (1893-1959)
Lien direct sur Geneanet vers Lucien

Pendant la pause-déjeuner, j'ai réfléchi aux différents moyens de résoudre le problème de Bernard/François BONNEL. J'ai aussi réalisé que si les registres de Celles n'étaient numérisés que jusqu'en 1892, je pourrais peut-être demander le registre original de 1893. Je voulais aussi essayer de trouver Lucien et Bernard (ou François) BONNEL dans les registres militaires, qui regorgent d'informations. Je ne me décourageais pas !

 

Retour à l'état-civil

Je commence par consulter les tables décennales (TD) de Saurat : elles sont remplies de BLAZY, MAURY, et BONNEL ! Mais détail très particulier que je n'avais jamais vu ailleurs, il y a des BONNEL FRA, des BONNEL MERLY, des BONNEL MESCLE, et quelques autres. Pareil pour les plupart des noms de familles : on leur ajoute un suffixe, j'imagine pour aider à différencier les familles. Tous les BONNEL FRA sont-ils issus d'un ancêtre commun ? du même lieu ? de la même profession ? mystère... En tout cas, les branches qui m'intéressent sont celles des BONNEL FRA, des MAURY CARAIL et des BLAZY FOURETTES. Mais à Celles, qui compte beaucoup moins d'habitants (en 1901, Saurat compte 2850 habitants et Celles 346, soit environ huit fois plus), ces suffixes ne sont pas utilisés, même s'ils sont parfois mentionnés, comme surnoms, dans les actes d'état-civil. Bernard BONNEL, dit Fra, était peut-être appelé François BONNEL dans le village de Celles où il semble être arrivé entre 1891 et 1893, années de naissance de ses enfants Virginie et Julien.

Comme tout commence à s'embrouiller dans ma pauvre tête, je griffonne un arbre généalogique, en supposant que Bernard et François BONNEL sont la même personne. Au fur et à mesure de mes découvertes, je complète cet arbre. Voici ce que cela donnait (un ° signifie naissance, + décès et x mariage) :


Un premier arbre ascendant de Lucien BONNEL

Oui, je sais, je griffonne super bien !

Ensuite, mon intuition de midi était bonne, l'original du registre de Celles pour 1893-1902 est disponible et je peux y consulter et photographier l'acte de décès de François BONNEL, qui finit comme suit :
« L'an 1893, le 23 mai à une heure du soir devant nous, Peinchenat Pierre, Maire, officier de l'état-civil de la commune de Celles, canton de Foix, département de l'Ariège, ont comparu Baptiste Costerigne âgé de 38 ans et Joseph Toulza, âgé de 62 ans, tous deux cultivateurs, domiciliés à Celles, voisins et non parents de la personne décédée, lesquels nous ont déclaré qu'aujourd'hui à 10 heures du matin, est décédé ainsi que nous nous en sommes assurés dans sa maison d'habitation, François Bonnel, cultivateur, âgé de 28 ans, né à Saurat, domicilié à Celles, époux de Marie Maury, et les déclarants requis de signer avec nous le présent acte après que lecture en a été faire, ont dit ne savoir. ».
Au vu de son âge et du nom de sa veuve, il s'agit bien du père de Lucien. Dommage que cet acte ne donne pas les noms des parents de François, sûrement parce qu'il ne vit à Celles que depuis deux ou trois ans, ses voisins qui déclarent son décès ne le connaissent pas très bien (vous remarquerez qu'ils ne savent pas signer, c'est très fréquent à cette époque).
Mais je n'ai toujours pas la preuve que François s'appelait Bernard !

 

Les registres militaires

Cette preuve, je vais la rechercher dans les registres militaires de recrutement.

Le service militaire a été créé peu après la Révolution, en 1798 : l'armée de métier de l'Ancien Régime ayant été abandonnée, il fallait organiser des réquisitions d'hommes aptes au combat. La durée du service militaire varie, suivant les années et les différentes lois, de 8 ans à 2 ans. Au début, un tirage au sort est organisé : ceux qui "tirent le mauvais numéro" (l'expression vient de là !) doivent effectuer leur service, les autres en sont exemptés. Parfois, moyennant finance et acte devant notaire, le tiré au sort se faisait remplacer par un volontaire. Plus tard, le tirage au sort déterminait une durée plus ou moins longue du service. A partir de 1905, le système est abandonné et tous les hommes âgés de 20 ans sont susceptibles d'être incorporés.

Même si un jeune homme n'est pas tiré au sort, il apparaît dans la liste de recrutement militaire de sa classe (c'est l'année de ses 20 ans) et une fiche individuelle très fournie est remplie par les autorités militaires. Elle contient de précieuses données par le généalogiste : les parents, l'éventuelle épouse, le domicile, l'apparence physique... nous y reviendrons. Bernard/François étant né en 1864, je recherche dans un gros classeur de la série R la cote du registre de recrutement de 1884 pour le canton de Foix : il s'agit de 1R463, il doit contenir la liste de tous les jeunes hommes du canton âgés de 20 ans et leur numéro de matricule.
Quand le registre m'est donné, je n'y trouve pas de François, mais un Bernard, avec un numéro de matricule de 134. De nouveau, le classeur R me donne la côté du registre contenant le matricule 134 dans la classe de 1884 : 1R409.

Dans ce nouveau registre, classé par numéro de matricule, je trouve Bernard BONNEL, mais un autre, né d'autres parents dans un autre village. Malheureusement, le temps m'a manqué pour redemander le premier registre, j'y ai peut-être raté un autre Bernard BONNEL, ou un François... je reviendrai !

J'ai tout de même obtenu la fiche de Lucien BONNEL (classe de 1913, registre 129W65, matricule n°401), très intéressante mais qui ne résout pas le problème du prénom de son père (François sur cette fiche) ; j'en parlerai dans un prochain article.

 

Les tables d'enregistrement : mutations par décès

Je ne m'avoue pas vaincu, j'ai une autre possibilité pour démêler ce problème de prénoms : les mutations par décès (série 3Q). L'enregistrement est un impôt créé en 1799 qui taxe les capitaux qui changent de main. Il frappe donc notamment les successions après un décès. Dans les 6 mois suivant le décès, une personne proche est tenue d'aller déclarer le décès et la succession qui s'ensuit. On y trouvera mention du conjoint, des enfants ou autres ayant-droit, parfois de contrats de mariage ou de testaments. J'espère que Marie MAURY CARAIL est allée effectuer cette déclaration, car si mes suppositions sont justes, j'y trouverai ses deux enfants Virginie et Lucien. Vu que l'acte de naissance Virginie nomme son père Bernard et que celui de Lucien le nomme François, j'aurai la preuve qu'il s'agit du même ! Ces mutations par décès m'ont plus d'une fois rendu service, surtout en cas d'actes de décès peu complets, comme celui de François BONNEL, qui n'indiquait pas l'identité de ses parents.

Je trouve la cote dans le classeur 3Q pour la période du 5 décembre 1892 au 26 octobre 1894 (c'est bien plus que 6 mois après le décès de François) : il s'agit de 3Q8268. C'est un grand registre au format A3, que j'ai feuilleté page par page depuis la date du 23 mai 1893 jusqu'à la fin : en vain ! Je suis encore une fois bredouille, il semble que Marie n'a pas déclaré ce décès.

Dans la série 3Q, il existe aussi les tables de successions et d'absences, tous les décès sont censés s'y trouver, même s'il n'y a pas de bien à déclarer : j'essaierai lors de ma prochaine visite !

Je tenterai aussi les listes électorales, même si j'ai peu d'espoir, car on ne peut y être inscrit qu'après avoir vécu 3 ans dans le village et je ne pense pas que ce soit le cas de Bernard/François.

 

Un arbre généalogique plus complet

En attendant que me soient donnés les divers registres précédents, je complétais l'arbre généalogique en consultant l'état-civil de Saurat. Il s'agit en général de trouver les actes de mariages des parents ce chaque couple connu.

Par exemple, Bernard BONNEL étant né à Saurat le 10 avril 1864, j'ai recherché sur les TD le mariage de Julien BONNEL et d'Angélique BLAZY avant cette date : je l'ai trouvé le 25 janvier 1851. Cet acte m'indique les dates de naissance des mariés et les noms de leurs parents : on gagne ainsi une génération ! Par chance, mes recherches sur Saurat sont fructueuses, les familles n'en ont pas bougé : ils y sont nés, s'y sont mariés et y sont décédés. Je recherche aussi sur les TD les décès en partant d'une date où je sais s'ils sont vivants ou déjà décédés : on trouve souvent cette information dans les mariages des enfants, c'est pourquoi on recherche souvent les mariages des frères et soeurs de nos ancêtres pour affiner les fourchettes de dates où l'on doit chercher les décès des parents. Ici, c'était facile, les TD de Saurat m'ont donné tous les décès que j'ai cherchés.

Voici l'arbre final après une journée de recherche, j'ai quand même bien avancé (cliquez dessus pour l'afficher un plus grand et plus lisible) :


Arbre ascendant 5 générations de Lucien BONNEL

Ma journée aux archives s'achève. Il me faut rentrer à la maison, partager les recherches avec Agnès et sa famille, leur poser de nouvelles questions et digérer tout ça. J'en parlerai la semaine prochaine dans la troisième partie de cet article. L'arbre ci-dessus devrait vous donner un aperçu des "révélations fracassantes" que j'évoquais dans la première partie !


François BONNEL époux Marie MAURY CARAIL

|

Lucien BONNEL époux Marie SYLVESTRE

|

Henri BONNEL époux Marie Jeanne AMOUROUX

|

Colette BONNEL épouse André SOFFIATI

|

Agnès SOFFIATI épouse Christophe MONIE

Retour