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Le violophone d'Etienne
 


Etienne CONSTANS au milieu de son orchestre (années 40 ?)

J'ai passé tous mes samedis soir et dimanches chez mon grand-père Etienne CONSTANS et mon oncle Yves (resté célibataire), qui vivaient ensemble dans la maison familiale à Villemade (quartier de "Boy").

J'ai déjà parlé des talents de musicien d'Etienne : tous les dimanches matin, après sa séance de rasage à l'ancienne avec blaireau et rasoir, et avant que ses doigts ne soient devenus trop tordus et noueux à cause de la vieillesse, il jouait de son violophone. On ne sait pas s'il l'avait acheté ou si un cousin lui en avait fait cadeau, mais c'est un instrument de musique extrêmement rare. En voici une photo :


Le violophone de mon grand-père

Comme vous pouvez le voir, ce violon n'a pas de caisse de résonnance en bois comme un violon classique. Les vibrations des cordes sont transmises par le chevalet en fer à une membrane (comme celles utilisées dans les téléphones) qui en amplifie le son et "l'envoie" dans le pavillon (de la taille d'une trompette).


Gros plan sur le chevalet et la membrane qui fait caisse de résonnance

Le son produit est de piètre qualité, nasillard, mais puissant (j'ai lu 4 fois plus qu'un violon classique) et rappelle le son des anciens gramophones : dans un petit orchestre, on devait ainsi pouvoir jouer du violon et être entendu entre la trompette et la batterie des autres musiciens. Je n'ai malheureusement pas de photo de mon grand-père avec ce violon.

Le pavillon et la membrane sont gravés avec la marque "COUESNON & Cie". Cette marque était au début du XX° siècle le leader mondial dans la fabrication d'instruments de musique et innovait constamment, présentant ces nouveautés aux expositions universelles de Paris.


Gros plan sur le pavillon et la marque COUESNON & Cie

Sur leur catalogue de 1934, on y trouve ce violon sous l'appellation "violon-jazz". C'est un des seuls instruments qui n'est pas dessiné sur leur "catalogue illustré", il ne devait pas être souvent demandé par les clients ! Par contre, on ne le trouve pas dans les catalogues de 1915 et 1927. J'ai aussi lu que cet instrument ne serait plus fabriqué depuis 1930 environ.


Bas de la page 71 du catalogue Couesnon de 1934... pas d'illustration, dommage !

Cet instrument a d'autres noms : "violon à pavillon", "violon-trompette" ou "violon Stroh", du nom de son supposé inventeur, Augustus Stroh (1828-1914), d'origine autrichienne, ingénieur en électricité et vivant à Londres. Bien que le brevet déposé le 4 mai 1899 et accepté le 24 mars 1900 ne fasse pas état de cet usage, le violon de Stroh se révèle comme une aubaine pour l'industrie du disque et plus particulièrement pour les personnes, techniciens et instrumentistes, qui œuvrent dans les studios d'enregistrement de l'ère de l'enregistrement acoustique (avant 1925).
En effet, le violon sous sa forme ordinaire est un instrument qu'il est très difficile d'enregistrer acoustiquement dans une formation orchestrale. Avec le violon de Stroh, le son émis peut être dirigé dans la direction du pavillon enregistreur.

(source : http://chroniques.bnf.fr/numero_courant/coulisse/violon_de_stroh.htm).

Cependant, on pense que ce violon existait déjà en Europe Centrale, notamment en Roumanie où on en joue encore pour certaines musiques traditionnelles.

Dans un article de 1929, le chef d'orchestre Paul WHITEMAN, surnommé à l'époque "le roi du jazz", raconte qu'il a découvert ce violon lors d'un voyage en Allemagne et que ce nouvel instrument va supplanter le saxophone ! Il explique que ses qualités le rendent beaucoup plus adapté au jazz que le violon classique et que c'est l'instrument le plus sensationnel qui ait été inventé depuis des années. Et c'est vrai que cet instrument a été beaucoup utilisé dans les orchestres de jazz dans les années 20.

Mais Paul WHITEMAN n'a pas vraiment été visionnaire, car l'instrument n'a finalement pas connu un grand succès, sûrement à cause d'une sonorité médiocre et d'un répertoire spécifique quasi-inexistant : presque rien n'a été écrit pour le violophone. Il reste néanmoins un des mes trésors...

Voici quelques liens qui m'ont aidé à rédiger cet article :

http://www.strohviolin-shop.com/fr/index.php

http://jmomusique.skynetblogs.be/archive/2010/05/01/violophone.html?c

http://www.thecrimson.com/article/1927/9/30/new-instrument-will-make-a-hit-whiteman/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Violon_%C3%A0_pavillon

 

 


Etienne CONSTANS époux d'Eva DESCAZEAUX

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Claudine CONSTANS épouse de Georges MONIE

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Christophe MONIE époux d'Agnès SOFFIATI

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