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Le vélo de Pierre
 

Pierre CONSTANS (1885-1970)
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Petit, j'ai souvent entendu raconter une anecdote sur mon arrière grand-père maternel Pierre CONSTANS. Mon oncle Yves n'avait pas son pareil pour la raconter, il faisait rire tout le monde, même si on râlait parce qu'on "la connaissait par coeur" !

Aux vacances de Noël 2006, j'ai décidé d'enregistrer "tonton Yves", comme on l'appelait depuis la naissance de mes fils. Le son n'est pas terrible, il vous faut tendre l'oreille si vous voulez tout comprendre et admirer le sens du détail.

L'action se situe sur la route très pentue qui descend du château de Piquecos vers le gué de l'Aveyron, sans doute début 1900, quand Pierre était jeune... et imprudent. Car la côté était trop raide pour les vélos de l'époque : avec beaucoup de courage et d'énergie, on pouvait la monter, mais la descendre, c'était une autre histoire ! La plupart des vélos n'avaient pas le système du pédalier à roue libre (inventé en 1898) ni de frein ! On mettait pied à terre et on se rendait à pied au bas de la côte.

Je pense avoir repéré la route sur la carte IGN : 1,350 km m de long et une pente moyenne de 8 % (source : article wikipedia sur le tour cycliste du Tarn-et-Garonne). D'après le journal La Dépêche, plusieurs coureurs tirent la langue quand il faut la monter !


La côte du château de Piquecos en pointillés rouge (le cercle rouge indique le virage possible de la chute)

Ecouter l'enregistrement

Texte alternatif

Moi : " - Alors, il avait un vélo tu disais ?
Yves : - Oui, un vélo, à roue fixe. Alors, il la montait en vélo, cette côte, et puis après, au retour, si elle se monte, elle doit se descendre.
Moi : - Il ne l'avait jamais descendue avant ?
Yves : - Non, alors il a voulu la descendre, mais des freins, il n'y en avait pas ! Et alors tu freinais, parce que ce n'était pas une roue libre, avec les pieds, en retenant sur les pédales. Seulement à un moment donné, il n'a pas pu, avec la pente, retenir, il a pris de la vitesse, les pédales lui ont échappé des pieds, et plus il descendait, parce qu'elle est longue, et plus il prenait de la vitesse !
C'est là qu'à moitié, il y avait un vieux qui s'appelait Pierreto, qui avait des vaches, deux ou trois vaches !
Il lui faisait signe de loin, avant d'y arriver, [il parle en patois] Ande las mas [en faisant signe avec les mains] :
"Saras vous des pès passes, s
aras vous des pès passes !" ["Sortez-vous de là, sortez-vous de là !"]
Parce que la vitesse lui avait pris, si jamais une vache traverse à ce moment-là, je lui tape la tête dans le ventre ! Alors au moment où il arrivait, l'autre, il lui a semblé entendre quelque chose, il s'est retourné, figure-toi, il est passé comme l'éclair, il a frôlé le cul de la vache. Heureusement que la vache avait avancé assez, il l'a évitée un peu - il l'a touchée un peu mais ça n'était rien, il n'est pas tombé, là.
Alors il a dit au fond, il y a une plantation de pruniers, je vais accrocher un prunier avec un bras comme je pourrais et je laisserai partir le vélo ! Seulement; il a loupé son chose, il marchait tellement vite, il n'a pas pu prendre le tournant et en face de lui ils avaient fermé des oies, il a sauté cette planche, tout le troupeau d'oies il n'en a touché aucune, il y avait une haie peu plus loin [rappel] et il va planter le vélo dans la haie !
Le vélo est resté tout droit planté dans la haie et lui il s'est trouvé tout droit de l'autre côté de la haie, il avait perdu juste une manche de la chemise.
Moi : - Et il y a des gens qui l'avaient vu alors ?
Yves : - Eh oui, il y en a beaucoup qui l'ont vu. En bas, il y avait des gens par là qui l'ont vu, ils y ont galopé et sadis [ils ont dit] "Constans il s'est tué !".
Et il n'avait rien du tout."

Suivant la version de l'histoire, il avait simplement perdu un bouton de manche, Pierreto était sourd... Mais la narration était bien rodée, n'étaient jamais omis les pédales qui s'emballent, le cul de la vache, l'enclos pour les oies, le vélo planté dans la haie et surtout mon arrière-grand-père indemne !

Ce document audio est le seul de mon oncle Yves décédé 2 ans plus tard, vous imaginez à quel point cet enregistrement m'est précieux !


Yves CONSTANS (1934-2008)

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