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Quelques repères historiques sur l'histoire des protestants (4)
 

Louis XIV (1638-1715)

Quatrième Partie

1643 - 1792 : Louis XIV, la révocation de l'Edit de Nantes et le Désert

Louis XIII meurt de la tuberculose en 1643. En attendant que son fils Louis ait 13 ans, Anne d'Autriche et Mazarin gouvernent la France jusqu'en 1651. Le nouveau roi Louis XIV impose son autorité dès la mort du cardinal Mazarin en 1661, 2 ans après la paix signée avec l'Espagne (après 100 ans de guerre !) et son mariage avec Anne d'Autriche. Il entend régner seul sur la France, limitant le nombre de ses conseillers, qu'il n'écoute que très peu de toute façon.

Il tient aussi à rétablir l'unité religieuse du royaume et crée pour cela les dragonnades : les soldats du roi s'installent chez des protestants, où ils vivent à leurs dépens, pillent, menacent, molestent, violent, jusqu'à leur conversion au catholicisme ! Après cela, estimant qu'il ne reste presque plus de protestants en France, il révoque l'édit de Nantes le 18 octobre 1685 : la religion réformée est de nouveau interdite ! La révocation de l'Edit de Nantes met un terme à la coexistence des deux religions en France. Les protestants n'ont plus d'existence légale, ils sont contraints à l'exil ou à l'exercice clandestin de leur culte (dans "le désert").

Et dans le Tarn-et-Garonne...

A Montauban, l'évêque Pierre de Bertier fera tout pour reconquérir les positions perdues par l'Eglise au profit des protestants. Au bord du Tarn, sur les ruines de l'ancien château comtal, il fait construire en 1665 un palais épiscopal, devenu de nos jours le musée Ingres.


Le Pont Vieux et le musée Ingres

De lois en édits, les protestants vont perdre peu à peu tout pouvoir et leurs lieux de culte, d'abord à Montauban, puis dans les autres villes protestantes des alentours. De nombreux temples sont détruits, comme à Montauban en 1664, à Saint-Nauphary en 1679, à Corbarieu en 1682, puis à Villemade.
L'arrivée des dragonnades dans ces villes en 1685 va mener la majorité des protestants à l'abjuration de leur foi.

Et dans ma généalogie...

On peut trouver certains baptêmes d'enfants issus de couples protestants dans les registres paroissiaux catholiques quand le curé imposait aux parents protestants le baptême catholique. Parfois, le curé indique que les parents sont mariés au désert, ou qu'ils sont de la Religion Prétendument Réformée, ou simplement fiancés, ou il ne cite que le nom de la mère.

Voici en exemple l'acte de baptême de mon ancêtre Jacques CARRIE (SOSA n°240, ) :

"L'an mil sept cent soixante dix huit et le dix sept novembre naquit Jacques Carrié fils de Jean et de Philippe Palisse baptisé le dix huit dudit mois. Parrain Jacques Vidal, marraine Jeanne Garry, présents Jacques Bonhoure et Jean Montaubéry en foi d'eux.
Signé Laffon curé".

La subtilité de cette acte apparemment anodin est que les mots "légitime"(après "fils") et "mariés" (après les noms des parents) ne sont jamais utilisés par le curé, alors qu'il les écrit dans les autres actes du même registre : on a donc affaire à un baptême forcé (ou bien demandé par les parents et consentis par le curé, mais je n'ai jamais lu que ce cas de figure ait existé).

Beaucoup moins subtil, mon ancêtre Guillaume CHAUBARD (SOSA n°3488, ) abjure la religion protestante dans son testament du 24 août 1685, donc peu avant la révocation de l'Edit de Nantes. Je n'ai pas encore trouvé cet acte, je dois cette information à Isabelle ESCALETTES (voir sur ses pages Geneanet Lien direct sur Geneanet).

Les rois de France de 1515 à 1792

Les Valois

François Ier (de 1515 à 1547)

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Henri II (de 1547 à 1559)

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François II (de 1559 à 1560)

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Charles IX (de 1560 à 1574)

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Henri III (de 1574 à 1589)

Les Bourbons

Henri IV (de 1589 à 1610)

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Louis XIII (de 1610 à 1643)

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Louis XIV (de 1643 à 1715)

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Louis XV (de 1715 à 1774)

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Louis XVI (de 1774 à 1792)

 

 

Les mariages n'étaient pas célébrés à l'église, mais plutôt devant un notaire (qui rédigeait alors un contrat de mariage), ou au désert : le pasteur consacrait un lieu clandestin, le transformant ainsi en temple, et mariait les jeunes gens. Parfois les registres du désert nous sont parvenus, mais beaucoup ont disparu.

A l'article de la mort, les protestants refusaient la présence du prêtre et donc l'extrême onction. Ils ne l'appelaient qu'après le décès survenu pour obtenir le droit à l'inhumation dans le cimetière, ce que le curé refusait généralement. Un membre de la famille devait donc plaider sa cause pour avoir le droit d'enterrer le défunt. Il existe à Nègrepelisse des registres d'inhumation de protestants de 1737 à 1788.

 

J'ai retranscrit le jugement pour mon ancêtre Jean MOULET de Corbarieu (SOSA n°490, ) :

La requête
A Vous Monsieur Le Juge de Villemur votre Lieutenant
Supplie humblement Marie Moulet épouse de Pierre Truilhé habitant de Corbarieu disant que Jean Moulet son père habitant dudit Corbarieu agé d’environ soixante années étant indisposé de sa personne depuis environ trois ou quatre jours serait décédé ce jourd’hui 25 novembre 1777 vers les huit heures du matin dans la maison qu’il tenait à louage de Jean Calas audit Corbarieu et comme l’on ne soupçonnait pas que la maladie dudit Jean Moulet fut suivie d’une mort si prompte que Mr le curé dudit Corbarieu n’a pas eu le temps de le voir pour le disposer à la mort ce qui fait que ledit curé lui refuse la sépulture ecclésiastique et attendu que la suppliante ne peut faire inhumer le cadavre dudit Jean Moulet son père – suivant la disposition de l’article 13 de la déclaration du Roi du mois d’avril 1736 sans en avoir préalablement obtenu de votre autorité sur la conclusion de M. le procureur fiscal de la juridiction vue qui le leur permette […]
Il plaira de vos grâces Monsieur permette à la suppliante de faire inhumer le cadavre dudit Moulet son père et de faire transcrire sur le registre qui doit être tenu en exécution de l’article 13 de la dite déclaration du Roi le jour de son décès en sa forme prescrite par le susdit article auquel effet […] de la présente requète ordonnée qu’elle fera communiquer à Mr le Procureur Fiscal

La réponse du juge
Le procureur fiscal de la ville […] de Villemur qui a vu la présente requête […] consent que la suppliante fasse inhumer le cadavre de Jean Moulet son père dans une vigne appartenant à Pierre Truilhé son mari située audit Corbarieu […] à la charge pour elle de faire faire l’enterrement la nuit sans aucune cérémonie ni assistance de parent ni autres que les porteurs du cadavre et en présence de deux témoins qui seront appelés à cet effet pour être présents à l’enterrement lesquels seront de faire leur rapport dans les vingt-quatre heures après l’enterrement fait à Villemur le 25 novembre 1777.

Vu par nous juge soussigné la présente requête […] communiqué que le jourd’hui avoir permis à la suppliante de faire inhumer le cadavre de Jean Moulet son père dans une vigne appartenant à Pierre Truilhé son mari située audit Corbarieu à la charge pour elle de faire faire l’enterrement la nuit sans aucune cérémonie ni assistance de parent ni autres que les porteurs du cadavre et en présence de deux témoins catholiques qui seront appelés à cet effet lesquels seront de faire leur rapport dans les vingt-quatre heures après l’enterrement à Villemur le 25 novembre 1777.
Signé : Viguier Juge

Le compte-rendu des témoins catholiques
L’an mil sept cent soixante dix sept et le vingt six jour du mois de novembre par devant nous Pierre Viguier avocat du parlement Juge en chef de la ville […] de Villemur, pour le seigneur […] dudit Villemur –
Ont comparu Pierre Truilhhé tisserand et Pierre Bonhoure travailleur habitats de Corbarieu lesquels nous ont dit qu’en conséquence de notre ordonnance du jourd’hui ils avaientété requis d’assister à l’enterrement de Jean Moulet père de la dite Marie Moulet épouse dudit Truilhé pour ensuite nous en faire le rapport relativement à la dite ordonnance et à l’instant lesdits Truilhé et Bonhoure leurs mains mises sur les saints évangiles l’un après l’autre ont juré et affirmé que ledit Moulet décédé ledit jour vingt cinq aurait été inhumé en leur présence dans le soir désigné par notre dite ordonnance la nuit dernière Requis de signer ont dit ne savoir. Et nous sommes signés avec notre greffier
Signé : Viguier Juge Mathieu greffier

Vous voyez que l'inhumation est accordée, mais pas dans la terre consacrée d'un cimetière, mais au fond d'une vigne, sans cérémonie ni parent...
On trouve encore dans les quartiers anciennement protestants des tombeaux près des maisons, dans des champs. J'en ai trouvé deux dans le quartier de Gasseras à Montauban (d'autres sont indiqués sur la carte IGN), je sais qu'il y en a beaucoup à Meauzac.

La suite : Louis XVI et l'édit de tolérance

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Marie GIRALDOU Pierre Jérémie MONIE Leur fils aîné André ?